La République Démocratique du Congo, détenant plus de 70 % des réserves mondiales de cobalt, se retrouve au carrefour d’une rivalité géopolitique majeure entre la Chine et les États-Unis. Ce métal stratégique, crucial pour les technologies de demain, est largement raffiné en Chine, qui détient aussi une part importante des mines congolaises. Dans ce contexte de tensions commerciales croissantes, l’introduction de propositions législatives aux États-Unis visant à interdire l’importation de cobalt raffiné en Chine, sur fond de préoccupations éthiques concernant les conditions de travail en RDC, soulève la question de savoir si cette mesure vise réellement à éradiquer l’exploitation humaine ou si elle sert de levier pour limiter l’influence chinoise sur une ressource cruciale. C’est sous cet angle que le journaliste et chercheur minier, Jordan Mayenikini, propose son analyse, affirmant que les tensions sino-américaines trouvent un terrain stratégique à Kinshasa. Découvrez ci-dessous sa tribune :
RDC, cœur du cobalt mondial : quand les tensions sino-américaines se jouent à Kinshasa
La République démocratique du Congo (RDC) détient plus de 70 % de la production mondiale de cobalt, bien que l’essentiel de ce métal stratégique soit raffiné en Chine, qui contrôle également plusieurs mines congolaises à travers ses entreprises. Dans un contexte de tensions commerciales persistantes entre Pékin et Washington, Kinshasa pourrait se retrouver au cœur de cette rivalité géopolitique.Le 24 mars 2025, une proposition de loi a été déposée à la Chambre des représentants des États-Unis pour interdire l’importation de cobalt raffiné en Chine sur le sol américain. Rédigée par Christopher Henry Smith, élu républicain, cette loi repose sur la présomption que le cobalt raffiné en Chine est systématiquement extrait ou traité à l’aide de travail des enfants et de travail forcé en RDC.
Le texte de cette proposition de loi, H.R.2310, n’était pas encore disponible sur le site de la Chambre des représentants au 30 mars 2025. Cependant, cette nouvelle initiative n’est pas la première du genre, M. Smith ayant présenté une proposition similaire, H.R.6909, en décembre 2023. Bien que cette dernière n’ait pas pu être votée avant la fin de la mandature, elle avait pour objectif de rompre les liens commerciaux des États-Unis avec le cobalt extrait dans des conditions de travail inacceptables en RDC et raffiné en Chine.
La loi H.R.6909, surnommée « Cobalt Restriction Act », s’appuie sur des rapports mettant en lumière les violations des droits humains et les conditions de travail précaires dans les mines congolaises. Elle propose d’interdire l’importation de tout produit contenant du cobalt raffiné en Chine, à moins que des preuves formelles ne montrent qu’il ne provient pas de la RDC.
Ce n’est pas la première fois que le cobalt congolais est pointé du doigt aux États-Unis. En septembre 2024, le département du Travail a inclus le cobalt congolais dans sa liste des produits obtenus par le travail des enfants. Cette proposition de loi intervient toutefois dans un contexte de tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine, qui raffine plus de 80 % du cobalt mondial.
Derrière cette interdiction présumée motivée par le travail des enfants, une question se pose : l’objectif est-il vraiment de lutter contre cette exploitation ou s’agit-il avant tout de limiter l’influence grandissante de la Chine sur le cobalt congolais ? En effet, Pékin ne se contente pas de raffiner le cobalt : elle contrôle également plusieurs mines en RDC, avec des acteurs comme le groupe chinois CMOC, devenu le plus grand producteur mondial de cobalt depuis 2023 grâce à ses mines de Tenke Fungurume et Kisanfu.
Il est important de souligner que, bien que des rapports aient dénoncé l’exploitation du travail des enfants dans les mines artisanales, cette pratique concerne principalement la production à petite échelle, représentant entre 15 et 30 % de la production totale de cobalt de la RDC. La majeure partie de la production reste, elle, sous le contrôle d’industriels, souvent de grandes entreprises, y compris chinoises.Jordan Mayenikini, chercheur minier.